La plupart des ingénieurs continuent à sélectionner, dans leurs spécifications, des capteurs de position incrémentaux car ils estiment que les modèles absolus sont trop coûteux. L’offre a toutefois évolué sur ce point au cours des dernières années. Cet article propose un point sur les avantages et inconvénients respectifs des approches incrémentales et absolues.

Introduction

Si vous n’avez jamais vraiment compris la différence entre mesures incrémentale et absolue, pas d’inquiétude : vous n’êtes pas seul(e) ! Cette terminologie reste mal maîtrisée par bon nombre d’ingénieurs. Les fabricants de capteurs ont en outre compliqué encore davantage les choses en prétendant proposer des mesures absolues alors que leur approche reste, fondamentalement, incrémentale.

Un certain nombre de définitions s’impose donc en premier lieu. Précisons tout d’abord que le terme générique de « capteur », tel que nous l’employons, couvre à la fois les encodeurs, les transducteurs et les détecteurs. La caractéristique distinctive d’un capteur de position incrémental est le fait qu’il signale un changement de position incrémental. En d’autres termes, lorsqu’un capteur incrémental est mis sous tension, il ne rapportera sa position qu’une fois qu’il disposera d’un point de référence à partir duquel il pourra effectuer des mesures.

Un capteur absolu signale quant à lui sa position par rapport à une échelle ou une plage. En d’autres termes, lorsqu’un capteur absolu est mis sous tension, il rend compte de sa position sans nécessiter d’informations de référence. La question « que se passe-t-il lorsque je mets le capteur sous tension ? » offre donc un excellent moyen de différencier les deux types de capteur. Si le capteur doit être soumis à une quelconque forme d’étalonnage, c’est qu’il est incrémental. Si ce n’est pas le cas, il est absolu.

Certains fabricants de capteurs annoncent des capacités de mesure absolue car leurs produits sont dotés d’une batterie, qui stocke les informations de position du capteur incrémental lorsque l’alimentation est coupée. Certes, mais que se passe-t-il lorsque la batterie est épuisée ? De même, certains fabricants de capteurs annoncent des capacités de mesure absolue lorsqu’un capteur incrémental n’a besoin que d’un déplacement marginal au moment de la mise sous tension pour obtenir les informations de référence. Ces produits n’en restent pas moins cependant des capteurs incrémentaux, bien qu’ils soient commercialisés -et tarifés- comme des capteurs absolus.

Si les potentiomètres restent la forme la plus courante de capteur de position, l’utilisation des capteurs sans contact s’est développée de manière significative au cours des 25 dernières années. Les potentiomètres souffrent en effet de problèmes d’usure et de fiabilité, en particulier dans les environnements difficiles (notamment ceux soumis à des vibrations) ou lorsque des durées de vie étendues sont requises. Les potentiomètres sont presque toujours absolus, mais une forme courante de capteur sans contact est le codeur optique.

Un codeur optique fonctionne en dirigeant un faisceau de lumière à travers ou sur un réseau de diffraction optique, puis en calculant la position en fonction de l’intensité de la lumière renvoyée. La plupart des dispositifs optiques sont incrémentaux. En règle générale, les informations de position sous fournies sous la forme d’une série d’impulsions (habituellement en quadrature de phase), de manière à ce que la direction de déplacement puisse être déterminée. On parle alors généralement d’impulsions A/B. Un train d’impulsions séparé (généralement appelé référence Z) génère une impulsion par révolution, qui sert de référence.

capteur optique incrémental

Fig. 1 – Représentation schématique d’un capteur optique incrémental, avec impulsion de référence.

Le dispositif optique absolu est similaire, mais il utilise un autre type d’échelle, la position absolue étant déterminée à la mise sous tension sans nécessiter de marque de référence. En règle générale, ces capteurs disposent d’une sortie numérique et leur résolution est définie par le nombre de bits en sortie. Un capteur 10 bits offrira ainsi 1 024 décomptes, un capteur 11 bits 2048 décomptes,  et ainsi de suite.

schématique dun capteur absolu

Fig. 2 – Représentation schématique d’un capteur absolu 10 bits doté d’une sortie numérique.

Les ventes de capteurs incrémentaux sont environ trois fois supérieures à celles des capteurs absolus. L’une des raisons principales à cela est le fait que les capteurs incrémentaux sont généralement moins chers que les capteurs absolus, pour des performances comparables.

Les choses sont toutefois en train de changer et les capteurs absolus modernes ne coûtent plus aussi cher qu’on ne le croit souvent. Les capteurs absolus (sans contact) permettent généralement des améliorations en termes de performance, de précision et de réduction du coût global. Les capteurs incrémentaux peuvent en effet poser certains problèmes pratiques. Le principal problème tient au fait que, chaque fois que le dispositif est mis hors tension, le système doit effectuer un étalonnage, ce qui ralentit les performances du système et peut avoir une incidence sur la sécurité en cas de perte soudaine d’alimentation.

La position est en outre calculée par décompte à partir d’une marque de référence. Dans certains cas (notamment en cas de variation de la tension d’alimentation ou de changements de position accélérés), le décompte peut par ailleurs être perdu, avec potentiellement un effet catastrophique sur le fonctionnement qui, s’il n’est pas résolu, peut conduire à une désynchronisation prolongée. La plupart des capteurs incrémentaux sont optiques et, afin d’assurer des mesures à haute résolution, le réseau de diffraction optique doit comporter des structures extrêmement fines (avec des dimensions pouvant parfois se mesurer en microns). Ces structures fines augmentent certes la sensibilité, mais elles impliquent aussi une certaine fragilité et une plus grande susceptibilité aux corps étrangers. L’humidité, la graisse ou la saleté sont susceptibles de causer une défaillance du dispositif optique voire, pire encore, des mesures incorrectes.

Le différentiel de prix entre capteurs absolus et incrémentaux a diminué ces dernières années. Cela s’explique d’une part par un recours plus large aux capteurs absolus, mais surtout par l’introduction de nouvelles techniques de détection de position absolue. Si les capteurs optiques restent privilégiés par certains ingénieurs, les dispositifs inductifs de nouvelle génération sont aujourd’hui des capteurs de position absolue très précis, qui ne sont pas affectés par les environnements difficiles.

Au lieu d’utiliser un réseau de diffraction et un capteur optiques, ces dispositifs sont dotés de structures laminaires imprimées et utilisent des principes de fonctionnement fondamentaux similaires à ceux d’un transformateur ou d’un résolveur. L’exploitation des lois physiques fondamentales permet de proposer des capteurs de position absolue compacts et légers, garantissant des mesures à haute résolution, et qui ne dépendent pas de dispositifs optiques transmettant une source de lumière. Au-delà du fait que leur mode de fonctionnement est fondamentalement absolu, ils présentent également d’autres avantages par rapport aux capteurs optiques. Premièrement, ils ne sont pas affectés par des corps étrangers tels que la poussière ou l’humidité. Deuxièmement, leur performance de mesure n’est généralement pas affectée par les décalages ou les tolérances d’assemblage « généreuses ». En d’autres termes, il n’est pas nécessaire qu’ils soient logés dans un boîtier ou un montage à roulement de précision : ils peuvent simplement être fixés sur les pièces mécaniques du système hôte (carter de moteur ou boîtier de vitesses, par exemple). Cela permet une simplification et une réduction radicales, en taille comme en poids, des pièces mécaniques environnantes, de par l’élimination des roulements, arbres, raccordements et autres joints. Ces dispositifs inductifs de nouvelle génération peuvent être installés avec un alésage traversant aux dimensions généreuses, de façon à permettre le passage de l’arbre, des câbles ou des bagues de l’équipement hôte. Du point de vue du bureau d’études, cette nouvelle approche permet de proposer des mesures absolues à un prix à peu près identique à celui des dispositifs incrémentaux classiques.

next generation inductive sensor 2
next generation inductive sensor2 2

Fig 3 – Les dispositifs inductifs de nouvelle génération facilitent l’utilisation des capteurs absolus par rapport aux capteurs incrémentaux.