Les moteurs à entraînement direct existent depuis de nombreuses années, mais il semble que les fabricants d’équipements et intégrateurs de systèmes n’aient que très récemment compris l’intérêt de cette technique. Cet article propose une comparaison entre les systèmes à entraînement direct et les configurations de moteur plus conventionnelles ; en mettant notamment en évidence leurs avantages respectifs, et en explorant un certain nombre de difficultés et solutions spécifiques.

Terminologie

Commençons par un peu de terminologie et quelques définitions. En théorie, la notion d’« entraînement direct » peut être appliquée à tout moteur qui entraîne directement une charge ou un rotor sans éléments de transmission tels que des engrenages, des poulies ou des chaînes. Plus généralement, ce terme désigne les moteurs synchrones sans balai à aimants permanents qui transmettent leur couple directement à la charge ou au rotor. Bien souvent, ils présentent une hauteur axiale courte par rapport à leur diamètre et un alésage traversant important. Le terme « couple moteur » est également parfois utilisé pour décrire les moteurs à entraînement direct qui produisent un couple constant lorsqu’ils sont immobiles ou en mouvement sur de courtes plages angulaires.

Comment fonctionne un moteur à entraînement direct?

Les moteurs à entraînement direct fonctionnent de la même manière que la plupart des moteurs CC sans balai. Des aimants sont fixés au rotor du moteur et des bobinages sont disposés sur le stator du moteur. Lorsque les bobinages sont énergisés, ils produisent des champs électromagnétiques qui attirent ou repoussent les aimants du rotor. Une commutation appropriée de l’énergie acheminée vers les bobinages permet alors de produire un mouvement contrôlé. Un moteur à entraînement direct peut être linéaire ou rotatif, cette dernière forme étant toutefois de loin la plus courante.

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Fig. 1 – Configuration à entraînement moteur traditionnelle

Les moteurs à entraînement direct comportent généralement un grand nombre de pôles (plus de 30, voire plus de 100), ce qui leur permet de produire un couple élevé à vitesse nulle ou faible (généralement <1000 tr/min). Certains moteurs à entraînement direct ont un diamètre supérieur à 1 m, et peuvent produire un couple supérieur à 10 000 Nm. De nombreux moteurs à entraînement direct sont fournis « sans cadre » (« frameless »), c’est-à-dire sans boîtier, roulements ou capteur de rétroaction Cela permet aux constructeurs et aux intégrateurs de rationaliser la conception de leurs logements, arbres et roulements afin d’en optimiser la taille, la forme, le poids et les caractéristiques dynamiques.

Le rapport couple-inertie est par ailleurs plus élevé dans les moteurs à entraînement direct que dans les moteur conventionnels, avec une constante de temps électrique faible. Cela signifie que le couple est appliqué rapidement lorsque la tension est appliquée, conduisant à ce que les ingénieurs de contrôle appellent une bonne « rigidité » de servo-commande. D’autres moteurs plus conventionnels sont conçus pour générer un couple maximal à des vitesses plus élevées (généralement >1000 tr/min) et sont dimensionnés et spécifiés en fonction de leur puissance. La taille et la sélection des moteurs à entraînement direct sont généralement basées sur un couple maximal ou continu plutôt que sur la puissance.

Avantages et inconvénients

Les avantages de l’entraînement direct sont les suivants:-

Les deux principaux critères sur la base desquelles un ingénieur concepteur choisira un système à entraînement direct sont la performance dynamique et le facteur de forme. L’avantage, en termes de conception, d’un moteur relativement plat comportant un grand trou au milieu (permettant le passage des bagues collectrices, tuyaux et câbles) ne saurait être sous-estimé.

Le principal inconvénient est souvent plus perçu que réel: il est souvent présumé que les moteurs à entraînement direct coûtent plus cher que les moteurs traditionnels. Bien que cela puisse souvent être vrai dans une simple comparaison 1:1, une approche plus globale (tenant compte de l’élimination des engrenages intermédiaires, des raccordements et de la maintenance, ainsi que de la simplification générale de la mécanique) montre que les systèmes à entraînement direct sont, de façon peut-être surprenante, la solution optimale en termes de coût et de performance dans de nombreuses applications. Ajoutons que le surcoût 1:1 diminue progressivement à mesure qu’augmentent les volumes de production de systèmes à entraînement direct et que la disponibilité de puissants aimants néodyme-fer-bore (Nd-Fe-B) sur le marché s’améliore. Ce rapport coût/performance avantageux est bien illustré par le recours croissant à l’entraînement direct dans les applications sensibles au coût telles que les machines à laver, pour lesquelles les systèmes traditionnels à moteur, à courroie et à poulies sont de plus en plus remplacés par des moteurs à entraînement direct, plus silencieux et plus fiables.

On trouve des exemples d’applications à entraînement direct dans de nombreux cardans tels que les systèmes d’antenne (systèmes de communication par satellite embarqués, par exemple), les caméras de surveillance et vidéosurveillanceles scanners, les télescopes, les systèmes électro-optiques, les tableaux d’affichage de taux, les systèmes radar et d’armement. On trouve aussi des applications dans les domaines des machines-outils à commande numérique, des équipements de conditionnement, de la robotique et même des platines vinyle haut de gamme.

La plupart des moteurs présentent un phénomène d’ondulation de couple de position, appelé « cogging ». Dans les moteurs traditionnels à haute vitesse, cet effet est généralement sans importance car la fréquence est si élevée que son impact sur la performance est négligeable. Les moteurs à entraînement direct peuvent souffrir davantage de ce phénomène, si le système de contrôle moteur n’utilise pas la rétroaction pour contrer activement son effet. L’un des facteurs qui a peut-être ralenti l’adoption des moteurs à entraînement direct est la nécessité d’un contrôle électrique précis. Ce n’est qu’au cours des dernières années que des contrôleurs suffisamment réactifs et rapides (avec un taux d’actualisation >4 kHz) sont devenus largement disponibles pour des coûts abordables.

L’un des principaux avantages du moteur à entraînement direct est l’amélioration de la précision en termes de position, de vitesse et de dynamique. Sans raccordement, boîtier de vitesses, courroies ou chaînes, un moteur à entraînement direct se fixe directement sur la charge, évitant ainsi tout phénomène d’hystérésis, de contrecoup ou de mouvements à vide dans quelque direction que ce soit. Pour ce faire, un moteur à entraînement direct nécessite un dispositif de retour de position à haute résolution pour compléter la boucle d’asservissement. Dans certains cas, des capteurs à effet Hall (généralement utilisés pour la commutation de puissance vers les bobinages du moteur) seront suffisants, mais dans de nombreux autres, leurs performances de mesure ne sont pas suffisantes pour permettre un contrôle précis de la position ou de la vitesse.

Si l’alésage de l’entraînement direct est suffisamment petit (<2”), il existe un large choix de capteurs de retour de position basés sur les technologies optiques, magnétiques, capacitives et inductives. Comme nous l’avons déjà vu, les principaux critères pour le choix d’un système à entraînement direct incluent notamment le facteur de forme et un alésage traversant suffisamment large (>2”). La plupart des capteurs de position étant basés sur un petit arbre d’entrée ou sur un petit alésage, le choix d’un capteur de position approprié pour les systèmes à entraînement direct était (jusqu’à récemment) limité et par conséquent problématique. La première option consiste à utiliser des codeurs annulaires optiques, avec une simple alimentation CC et une sortie numérique absolue ou incrémentale. Malheureusement, ces dispositifs ne conviennent pas aux environnements sales ou humides en raison de l’obscurcissement du chemin du capteur optique, de la tolérance limitée aux températures extrêmes ou aux chocs, et du fait qu’ils nécessitent une installation très précise pour garantir de bonnes performances de mesure. Les codeurs capacitifs peuvent être confrontés à des problèmes similaires, avec en outre une complication supplémentaire liée à la nécessité de dissiper l’accumulation de charges statiques sur le rotor. La seconde option est le codeur annulaire magnétique, mais son avantage par rapport aux capteurs à effet Hall utilisés pour la commutation peut être limité et il n’offre pas la haute précision requise du fait de l’hystérésis magnétique. Étant basés sur la détection de champs magnétiques CC, ils peuvent également être sensibles aux champs magnétiques parasites émanant du moteur. La troisième option est le choix traditionnel: le résolveur sans balai (ou « brushless »). Un résolveur utilise une physique électromagnétique similaire à celle du moteur lui-même pour détecter la position du rotor par rapport au stator. Les résolveurs ne sont généralement pas affectés par les corps étrangers et ont une réputation inégalée en termes de fiabilité, de robustesse et de sécurité. Sans surprise, les résolveurs constituent le choix standard de facto dans de nombreuses applications nécessitant une très haute fiabilité ou ayant trait à la sécurité (notamment dans les domaines de l’aérospatiale et de la défense). Ils peuvent toutefois également être encombrants, lourds et coûteux, en particulier pour les alésages de large diamètre (résolveurs de type pancake ou dalle). L’utilisation de résolveurs de type pancake ou dalle a sans doute contribué à propager l’idée selon laquelle les systèmes à entraînement direct seraient trop coûteux pour certaines applications.

Une approche différente

Un nouveau type de capteur est de plus en plus utilisé pour le retour de position à entraînement direct: le codeur inductif ou capteur « incoder ». Les codeurs inductifs utilisent les mêmes principes de physique électromagnétique ou inductive que les résolveurs mais, au lieu des bobinages volumineux du transformateur, ils utilisent des structures laminaires de circuit imprimé et sont donc moins coûteux, plus compacts et plus légers. Au lieu du système complexe d’alimentation CC et de traitement de signal requis par les résolveurs, les codeurs utilisent des interfaces électriques simples, similaires à celles que l’on trouve sur les codeurs optiques, avec une entrée CC et une sortie numérique. Les codeurs inductifs sont disponibles en formats absolus ou incrémentaux (impulsions A/B) avec des résolutions allant jusqu’à 22 bits (environ 4 millions de décomptes par tour); des précisions <40 quarts de seconde (<0,01°) et des coefficients de température très bas (<0,5 ppm/K). Jusqu’à récemment, les codeurs étaient considérés comme trop lents pour les applications hautement dynamiques, mais ils offrent aujourd’hui des vitesses d’actualisation rapides pouvant atteindre 10 kHz. Autre élément important, ils correspondent également au facteur de forme de nombreux système à entraînement direct: faible hauteur axiale, et diamètre et alésage relativement grands. Ils sont en outre généralement fournis dans un format frameless, sans roulements, raccordements ou joints d’étanchéité, ce qui permet de les fixer mécaniquement sur l’entraînement direct.

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Fig. 2 – Un exemple de codeur inductif.

La combinaison des codeurs inductifs et de l’entraînement direct est, de façon croissante, la solution privilégiée par de nombreux ingénieurs-concepteurs, dans la mesure où elle démontre systématiquement sa capacité à offrir un contrôle du mouvement extrêmement fiable et dynamique pour les applications médicales, aérospatiales, militaires, industrielles et pétrochimiques.